Si vous pensez que l'animation est un métier digne de ce nom : surtout ne lisez pas ce texte !
Le règlement de service de l’animation après six années d’attente a été voté lors du Comité Technique de la DASCO le 8 novembre 2018.
De nombreuses réunions de consultation avec les organisations syndicales ont précédé, et sa mise en œuvre continue de s’inscrire dans une dynamique de dialogue social.
Des clarifications et des avancées sont à souligner et c’est pour cela que nous n’avons pas voté contre. Néanmoins une zone reste indéniablement dans l’ombre, d’où le sens de notre abstention.
Au fur et à mesure des échanges nous constatons que se dessine une cartographie du secteur de l’animation qui nous renseigne sur deux aspects fonctionnant comme des antagonismes:
- D’un point de vue positif, l’animation s’inscrit désormais dans la logique d’une véritable filière. Logique qui, revendiquée depuis longtemps et ce de manière légitime, a pu s’actualiser lors de la mise en place de la réforme des rythmes éducatifs et a abouti à la création du corps des Animateurs des Administrations Parisiennes en catégorie B (actuellement environ 600 agents). Belle avancée qui doit se poursuivre avec l’élargissement de postes en catégorie A, notamment pour les Responsables d’Action Éducative. Cela permettrait de passer de 7 postes actuellement à 20 postes.
Cependant cette manière hiérarchique d’appréhender le dispositif induit qu’une progression de carrière est obligatoirement liée a une prise de responsabilités en terme d’encadrement et de missions administratives.
- Les agents en catégorie C, animateurs, animatrices, chargés d’accompagner les enfants durant des temps de vie quotidienne, des temps informels, des temps d’activités, chargés d’articuler ces différents moments entre eux, chargés de proposer des projets et de les mettre en œuvre, c’est à dire des agents au cœur de missions éducatives dans leurs réalisations même, ne peuvent prétendre à aucune valorisation de leurs compétences dans le temps. La seule avancée possible est le passage d’un échelon à un autre ou d’un grade à un autre. Quand on connaît le déroulement de carrière à la Ville de Paris, l’avenir apparaît bien peu enthousiasmant. Cela induit, de manière insidieuse, une position de passivité puisque seul le temps et non l’implication dans une dynamique professionnelle responsable et active permet une progression de carrière. La différence entre un nouvel agent et un ancien est ce peu d’avancement. Ni l’expérience ni les compétences acquises n’établissent une réelle promotion ou distinction.
Le signal envoyé est délétère car il nous indique que l’acte d’accompagner des enfants dans le cadre d’une dynamique d’éducation est situé au plus bas de l’échelle et que, par déduction, la progression valorisée est de ne plus exercer ces missions. Autrement dit : l’interaction directe avec des enfants, quels que soient les savoirs et savoirs faire requis, les compétences et expériences acquises, a une faible valeur. Par ricochet cela en dit long sur la place accordée aux enfants, que l’on peut confier à ceux et celles qui sont appelés à progresser le moins sauf à ne plus s’en charger… Étonnante, voire désolante ligne de politique éducative !
Pourtant des leviers pourraient être envisagés :
- la mise en place de formations diplômantes.
- la reconnaissance des espaces lecture comme lieux singuliers et précieux avec la valorisation de la prime afférente. Pourquoi est-ce que reconnaître pleinement ce dispositif qui, en facilitant l’accès à la langue favorise la lutte contre les inégalités, est si difficile voire impossible pour la ville de Paris ?
- Au même titre les agents des centres de ressources centraux rescapés : le Centre Paris Lecture et la cinémathèque Robert Lynen pourraient à juste titre voir leur implication reconnue et mise en valeur.
-De même pour les responsables d’Espace Petite Enfance.
- Et que va-t-il advenir des ateliers ressources locaux ? Vont-ils, comme l'ont été les centres de ressources centraux, passés par pertes et profits sans aucune considération pour tout le travail accompli ?
- La catégorie B existe pour les animateurs, animatrices de l’Action collégiens. Cela est le résultat d’une histoire et de batailles menées avec conviction et des améliorations sont encore à construire. Peut-être y-a-t-il là une articulation possible pour enfin construire une cohésion lisible, favorable et riche de reconnaissance et perspectives.
Actuellement des signes inquiétants s’invitent et semblent s’accumuler :
- Le démantèlement des centres de ressources centraux et avec lui la négation d’expertises en terme de contenus et de démarches pourtant essentiels.
- Le recrutement des AAAS exclusivement en C1 depuis 2 ans.
- La proposition d’un recrutement en C2 avec BAFD afin de pourvoir les postes de suppléant de REV. Le décryptage est limpide: sont valorisés financièrement ceux et celles qui s’engagent à terme vers plus de responsabilités d’encadrement. Si nous avions encore des doutes cette proposition nous conforte dans notre analyse que l’animation en soi ne fait ni sens, ni référence pour la DASCO.
Depuis la réforme quel état des lieux pour les animateurs et animatrices ?
- Toujours aucune reconnaissance pour le temps de préparation.
D’ailleurs c’est quoi ça ? Jamais entendu parler ! Vous devez mener des ateliers ?
Pas de problème! Aucun temps de réflexion, de recherches, de préparation matérielle ne sont nécessaires, il suffit d’être là et par enchantement tout advient !
Si vous n’y croyez pas, faites semblant ou de la garderie, c’est finalement ce qu’on attend de vous, l’animation est une tâche d’exécutant !
- Vous pouvez également continuer d’arriver dans l’école 5 voire 10 minutes plus tôt chaque midi et soir, surtout si vous êtes affectés en maternelle. Ainsi vous serez à l’heure devant les classes pour prendre le relais.
5 minutes deux fois par jour multiplié par 4 jours et demi multiplié par le nombre de jours d’école, multiplié par le nombre d’années ! Ça fait combien au juste de temps en plus dans une carrière ?
Et si c’est 10 minutes pour chaque service quand les locaux sont étendus ?
Ah oui…. Quand même !
Bon quand on n’aime on ne compte pas ! Surtout l’employeur qui se réjouit des bonnes relations entre les équipes d’animation et celles de l’Éducation Nationale …
Et si on se mettait à arriver à l’heure, c’est à dire franchir le seuil de l’école à 11h30 et 16h30 précises comme l’indique le règlement de service, on ouvrirait la porte à des milliers de petits grains de sable dans la machine bien huilée, ce serait drôle ! Chiche on essaie pour voir !
- Et n’oubliez pas, vous pouvez vous retrouver en charge du change des enfants même si cela ne fait pas partie de vos missions, même si cela perturbe le groupe dont vous avez la charge et ne permet pas toujours des conditions d’intimité satisfaisante pour les enfants changés. Voilà une avancée bien méritée, réjouissez-vous !
Il faut préciser qu’après un vil tour de passe-passe au moment de la mise en place de la réforme, l’imbroglio « hygiène des enfants » n’est toujours pas résolu.
Certes vous avez gagné la gratuité des repas et l’assouplissement de la pose de congés.
Certes vous avez troqué une amélioration du taux d’encadrement sur les services péri-scolaires contre des ateliers TAP à 14 ou 18 enfants pour un adulte.
Certes la journée de centre de loisirs sera prochainement moins longue mais à quel prix de contrainte et d’organisation…
Certes il y a eu des titularisations au début du dispositif, cependant sans elles pas de réforme un tant soit peu crédible…
Certes on améliore à la vitesse de déplacement d’un escargot l’accès à des contractualisations peu glorieuses financièrement…
En conclusion : continuez de donner du temps sans compter, vos compétences ne vous permettront jamais de progresser, d’être reconnu et valorisé. Les savoirs faire spécifiques et l’expertise ne sont pas les bienvenus vous pouvez les oublier ! D’ailleurs on vous confie des enfants, juste des enfants, qu’est-ce que les compétences et l’
Et si par hasard vous entendez parler d’enjeux éducatifs contemporains, passez votre chemin vous n’êtes pas concernés, vous, vous vous occupez des enfants, juste des enfants…
Voilà, cette analyse récapitule en filigrane les revendications que nous avons eu de cesse de porter pour que l’animation soit pleinement reconnue comme un métier. Pour nous le compte n’y est pas et le constat affligeant puisqu’il nous parle plus de régression que d’avancées. Régressions qui ne peuvent éternellement se justifier par des arbitrages financiers. Régressions qui nous informent sur une absence d’ambition éducative digne de ce nom. À moins que l’ambition soit d’œuvrer dans la méconnaissance voire le déni de ceux et celles qui chaque jour s’impliquent, convaincus que l’éducation et particulièrement l’éducation populaire est fondamentale pour l’avenir de notre société.
Un dispositif ambitieux dans ses objectifs ne sera jamais qu’une façade de communication s’il laisse de côté ceux et celles qui l’incarnent et contribuent chaque jour à sa vitalité et sa profondeur.