Demande de retrait de « Valeurs Actuelles » des bibliothèques
Valeurs Actuelles est un hebdomadaire présent dans 9 bibliothèques de prêt de Paris. Si sa ligne éditoriale était plutôt conservatrice à sa création, depuis une dizaine année elle s’inscrit dans l’extrême-droite de l’échiquier politique.
Valeurs Actuelles a-t-il encore sa place dans les rayonnages de nos bibliothèques ?
Que dit la Loi Robert ?
Jusqu’à récemment le SUPAP-FSU n’y était pas défavorable. En effet, bien que les valeurs et idées défendues dans ce magazine ne soient pas les nôtres, nous restons, comme bibliothécaires, syndicalistes et citoyen·nes, viscéralement attaché.es. à la pluralité des courants d’idées parmi nos collections, tel que le rappelle l’article L310-1 A de la loi n° 2021-1717 du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique dite « Loi Robert » :
« Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l'égal accès de tous à la culture, à l'information, à l'éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture. […] Ces missions s'exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, d'égalité d'accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public. »
Si la notion de pluralité des collections est un concept entendu et partagé parmi les bibliothécaires, il est une question très difficile que nous posons aujourd’hui : toutes les idées sont-elles comprises dans le pluralisme et toutes les publications ont-elles leurs places en bibliothèque ?
« Obono l’Africaine »
Valeurs actuelles publie en août 2020 une fiction intitulée « Obono l'Africaine », dans le cadre d'un feuilleton romanesque transportant la députée françaiseDanièle Obono dans l'Afrique du XVIIIe siècle où elle est la victime des traites négrières. Sur une des illustrations, Danièle Obono figure enchaînée avec un collier d'esclave.
En décembre 2020, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), rend un avis selon lequel l'article « est contraire en de nombreuses occurrences à la déontologie journalistique au sens de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes et de l’article 8 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes ».
En avril 2021, la régie en ligne qui commercialisait des espaces publicitaires du site de l’hebdomadaire qui a résilié son contrat en raison de cette fiction qu’elle qualifie d’ « ouvertement raciste, discriminatoire et offensante », gagne son procès contre l'hebdomadaire. La cour d'appel de Paris conclut que « la publication d'un contenu illicite ne peut être protégée par la liberté de la presse et la liberté éditoriale. Or le contenu incriminé, qui a donné lieu aux excuses présentées par Valeurs Actuelles à Mme Obono, est susceptible de recevoir une qualification pénale. L'atteinte à la liberté de la presse n'est donc pas manifeste».
Le 29 septembre 2021, le tribunal correctionnel condamne les trois responsables de l’hebdomadaire pour « injure publique envers un particulier à raison de son origine ». Ils sont condamnés à une amende de 1 500 euros chacun, et devront également verser 5 000 euros de dommages et intérêts à Danièle Obono. Le 16 novembre 2022, deux d’entre eux sont de nouveau condamnés en appel.
Roms, l’overdose
Cette condamnation n’est malheureusement pas la première du magazine.
Le 5 mars 2015, le directeur de la publication est condamné par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris à 3 000 € d'amendes pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers les Roms et diffamation pour un dossier consacré aux Roms, intitulé « Roms l'overdose » du 22 août 2013.
Demande de retrait
En conclusion, le SUPAP-FSU demande le retrait de Valeurs Actuelles des rayonnages des bibliothèques. L’incitation à la haine raciale ne saurait participer au pluralisme des courants d’idées et d’opinions que, nous le rappelons, nous sommes, comme bibliothécaires, les premier·es à défendre.
Il existe en France des publications racistes et antisémites à qui nos politiques documentaires n’ont heureusement pas permis de trouver une place en bibliothèque.
Déterminer à partir de quels critères une publication perd ce droit d’y figurer n’est pas aisé mais les condamnations pour incitation à la haine nous autorisent à considérer que Valeurs Actuelles n’a plus sa place parmi nos rayonnages.